Rentrée littéraire d'hiver, Saint Valentin, Fatou Diome

Publié le par Firmin Luemba


"I have a dream"
/ "J'ai un rêve"
 Martin Luther King
  


« I say to you today, my friends, so even though we face the difficulties of today and tomorrow, I still have a dream. It is a dream deeply rooted in the American dream.


« "Je vous le dis aujourd'hui, mes amis, bien que nous devions faire face aux difficultés d'aujourd'hui et de demain, j'ai tout de même un rêve. C'est un rêve profondément enraciné dans le rêve américain."

I have a dream that one day this nation will rise up and live out the true meaning of its creed: “We hold these truths to be self-evident: that all men are created equal.”

« Je fais le rêve qu'un jour, cette nation se lève et vive sous le véritable sens de son credo : “Nous considérons ces vérités comme évidentes, que tous les hommes ont été créés égaux.”

I have a dream that one day on the red hills of Georgia the sons of former slaves and the sons of former slave owners will be able to sit down together at a table of brotherhood.

« Je fais le rêve qu'un jour, sur les collines rouges de la Géorgie, les fils des esclaves et les fils des propriétaires d'esclaves puissent s'asseoir ensemble à la table de la fraternité.


I have a dream
that one day even the state of Mississippi, a state sweltering with the heat of injustice, sweltering with the heat 
of oppression, will be transformed into an oasis of freedom and justice.
  


« Je fais le rêve qu'un jour, même l'État du Mississippi, désert
étouffant d'injustice et d'oppression, soit transformé en une oasis de
liberté et de justice. 

I have a dream that my four little children will one day live in a
nation where they will not be judged by the color of their skin but by
the content of their character.
I have a dream today!


« Je fais le rêve que mes quatre jeunes enfants vivront un jour dans
une nation où ils ne seront pas jugés pour la couleur de leur peau,
mais pour le contenu de leur personne. Je fais ce rêve aujourd'hui ! 

I have a dream that one day down in Alabama, with its vicious 
racists, with its governor having his lips dripping with the words of
interposition and nullification; one day right down in Alabama little 
black boys and black girls will be able to join hands with little white
boys and white girls as sisters and brothers.


« Je fais le rêve qu'un jour juste là-bas en Alabama, avec ses racistes vicieux, avec son gouverneur qui a les lèvres dégoulinantes des mots interposition et annulation; un jour juste là-bas en Alabama les petits garçons noirs et les petites filles noires puissent joindre leurs mains avec les petits garçons blancs et les petites filles blanches, comme frères et sœurs.

I have a dream today.

I have a dream that one day every valley shall be exalted, every hill and mountain shall be made low, the rough places will be made plains and the crooked places will be made straight and the glory of the Lord shall be revealed and all flesh shall see it together.  »


« Je fais ce rêve aujourd'hui.
« Je fais le rêve qu'un jour chaque vallée soit glorifiée, que chaque
colline et chaque montagne soit aplanie, que les endroits rudes soient
transformées en plaines, que les endroits tortueux soient redressés, 
que la gloire du Seigneur soit révélée et que tous les
vivants le voient tous ensemble.»




 Martin Luther King's speech, on August 28th 1963, at Washington DC
 Discours de Martin Luther King, le 28 Août 1963, à Washington DC  

       
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Rentrée littéraire d'hiver 2009

C'est en France uniquement que l'on parle de ce phénomène qu'est la rentrée littéraire, à chaque début de l'automne. Même si la production littéraire de l'Hexagone n'est pas annuellement supérieure à celle de certains pays (Espagne, Etats-Unis...), son image de "pays de la culture" contribue sans nul doute à asseoir ledit phénomène, au même titre que le rayonnement et l'influence médiatiques qui sont les siens. Toujours en France, il s'est encore créé depuis quelques années une autre rentrée littéraire, celle allant de décembre à février, voire mars, dite aussi "Rentrée de janvier" ou "Rentrée d'hiver". C'est le cas actuellement.

Une particularité pour des auteurs et des livres publiés en cette période : ils ne font pas systématiquement de course aux prix littéraires, contrairement à la rentrée de Septembre. (Sauf quelques rares cas : Tierno Monénembo dont le Roi du Kahel publié en Avril 2008 est devenu plus tard lauréat du prix Rénaudot en Novembre dernier !). 

Par ces deux phénomènes éditoriaux tour à tour trimestriels, les auteurs et leurs ouvrages n'ont plus guère le loisir de faire leurs preuves longtemps dans les libraires et les médias, ainsi que face au public, obligés tous de suivre le rythme effréné, hyperproductif, impulsé par une implacable logique économique et commerciale de la part des éditeurs. 

635 livres cependant publiés cet hiver dont 77 documents/essais et 558 romans, cette rentrée littéraire se révèle moins abondante en comparaison : 347 romans français en 2009 contre 367 en 2008, 74 premiers romans contre 61. Seule la littérature étrangère renverse la tendance actuelle (211 romans contre 180 en 2008), grâce notamment à de nombreuses traductions anglo-saxonnes, mais aussi hispaniques. Cela en prélude au salon du livre de Paris au mois de mars prochain, et dédié au Mexique.

 

                                                                                                                                           


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De nouvelles expériences qu'on lui souhaite toutefois heureuses (après le dépôt de bilan  il y a quelques mois par son collègue et ancien associé de la rue du faubourg Saint-Denis), Stéphane Million une toute jeune maison d'édition qui publie l’auteure la moins âgée de la saison : Alexandra Geyser avec ses 21 ans et un titre comme ça : Le cœur à genoux ! Et c'est à interroger les vieux loups : la prix Nobel sud-africaine Nadine Gordimer pour son recueil de nouvelles Beethoven avait un seizième de sang noir ; l’Américain Paul Auster pointe Seul dans le noir, imaginant la guerre civile aux Etats-Unis après le 11 Septembre (Actes Sud) ; la Cubaine Zoé Valdès qui Danse avec la vie (Gallimard) ; le Franco-russe Andreï Makine, pour La vie d’un homme inconnu (éditions du Seuil). Quelques valeurs sûres côté français, notamment Yann Quéfelec, Patrick Rambaud, Philippe Sollers (Les Voyageurs du temps) ou Olivier Adam, déjà un succès en librairie grâce à Des Vents contraires, l’histoire d’un écrivain que quitte sa femme depuis Saint-Malo… (éditions de l’Olivier).

   

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Sur le versant africain, Black Bazar d'Alain Mabanckou (éd. du Seuil) romance certains souvenirs, expériences du temps où il vivait encore en France, campant sur un héros moqué par des semblables qui lui trouvent trop de prétention à vouloir écrire un certain Black Bazar le livre de sa vie... Au milieu d'autres personnages nommés ainsi Roger le Franco-Ivoirien, Paul du grand Congo, la patte de l'auteur rend ce livre confortable à la lecture…
En écho, rappelons Johnny Mad Dog (Johnny Chien Méchant) réimprimé fin 2008 aux éditions du Serpent à plumes par un autre Congolais comme lui, Emmanuel Dongala. Il relate la mésaventure des deux enfants-soldats dans une Afrique en guerre. L’ouvrage venait aussi récemment d’être adapté au cinéma sous la réalisation de Jean-Stéphane Sauvaire.



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Calixthe Beyala, c’est la banlieue parisienne de Pantin, le « 9-3 » qu’elle met en évidence dans Le roman de Pauline (éditions Albin Michel). Sa vie de fille d’immigrés marquée par l'éducation monoparentale, le rôle précieux mais bien souvent incomplet et inadapté - car unilatéral et contraignant - dans lequel campe son assistante sociale ne permet toutefois pas à Pauline d'adhérer au système. Mais aussi inattendu que salutaire, naîtra ainsi par la suite une amitié, une complicité entre la Pauline élève noire de 14 ans et Mathilde son professeur blanche d'à peine 28 ans qui réussira avec succès son accompagnement à la fois éducatif, familial et social, jusqu'à donner à cette adepte de l'école buissonnnière, inapte à la lecture et pauvre en vocabulaire - à l'image de ses camarades de classe et de quartier - l'envie de devenir...écrivain ! Très belle leçon de vie sociale et communautaire...!

Ce roman attendu le 5 février 2009, pour le lire, avec l'aimable sollicitude de toute son équipe promotionnelle, j’ai eu ainsi le privilège d’en recevoir trois mois à l’avance les épreuves non corrigées. Je me suis vu ensuite accorder la toute première interview, en primeur sur toute la presse mondiale ! Celle-ci pourra être lue d'abord dans la presse, ensuite ce blog. A Beyala alors de m’interpeller : « Mais vous ne m’avez pas dit comment vous avez trouvé mon livre ! » 

En effet, son style narratif reste en harmonie avec le sujet qu'elle semble bien connaître, à en juger les détails qui accompagnent certains passages. Les dernières pages sont les plus sensibles lorsqu'il s'agit d'évoquer les perspectives d'avenir de Pauline, et à travers elle de toutes ses copines, les enfant terribles du "9-3" !
A propos, le roman ne le dit pas, mais pour rester à la page, la tendance ne serait plus de dire là-bas "9-3", mais bien plutôt 9 Cube !

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Fresque sociale également, réalisée par Gisèle Pineau sur son île guadeloupéenne, Morne Câpresse (sortie en septembre 2008, éditions Mercure de France) reste d'actualité. Le roman aborde avec courage le quotidien plutôt difficile sans les clichés de l'île paradisiaque habituellement vantée par les touristes.

La trame débute à Paris, depuis son guichet sur la station de métro Les Gobelins ligne 7, où Pacôme l' agent de la Ratp reçoit l’appel du Très-Haut qui l’invite à regagner la Guadeloupe, fonder la Congrégation des Filles de Cham et sauver de la déperdition toutes les victimes de la drogue, l'alcool, le viol, les grossesses non désirées... Socle de leur nouvelle foi, ce verset biblique apportant au passage un éclairage nouveau :

« Et il (Noé) dit : Maudit soit Canaan ! (…) Le pays de Canaan est l’actuelle Israël.  Les Cananéens furent assujettis par les Israélites, descendants de Sem, puis par les Médo-Perses, les Grecs et les Romains, descendants de Japhet. (…) Cette malédiction n’avait rien à voir avec la race noire. (…) Non, Dieu n’avait jamais maudit la race noire! » L'intrigue et la narration bien menées, ce roman réserve une fin plutôt invraisemblable.

 

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Souvenirs, hommages à KATOUCHA :
Article revisité, actualisé (mis en ligne en février 2008 dans la rubrique Solidarité)

Top model africaine contre l'excision :
Katoucha perdue de vue à la Seine

 L'ancienne mannequin portée disparue le 1è Février 2008, laisse un travail apprécié derrière elle


De son vrai nom Khadiatou Tamsir Niane, née en 1960, d'une mère guinéenne et d'un père sénégalo-guinéen, l'historien et écrivain Djibril Tamsir Niane. Cette remarquable femme, ex mannequin, a été l'égérie d'Yves Saint Laurent, Christian Lacroix ou Azzedine Alaïa entre autres dans les années 80, avant de décrocher pour se tourner vers le coaching des jeunes mannequins.

Sa disparition était intervenue après une soirée pluvieuse, et arrosée. Raccompagnée vers 2 heures du matin par ses amis jusqu'aux abords de son pied-à-terre parisien, la péniche La Petite Vitesse amarrée sur la Seine près du pont Alexandre III. Le lendemain, seuls son sac à main avec son téléphone portable, ses lunettes et sa carte bancaire étaient retrouvés sur le pont conduisant à sa péniche, selon le Figaro.

Ce que l'on craignait s'est donc confirmé, peut-être un accident, une chute dans la seine où l'on a enfin retrouvé son corps plusieurs jours après.  "Elle était déjà tombée dans l'eau il y a très longtemps ", par ailleurs Katoucha "ne voyait pas bien", témoigne un voisin contacté par le journal. "En fin d'après-midi, malgré les recherches entreprises par les plongeurs de la Brigade fluviale de Paris, aucune trace n'avait encore été retrouvée". L'hypothèse d'un accident sur la Seine avait été d'autant plus épouvantable que le fleuve parisien connaissait ces jours-là des courants très forts, tandis que Katoucha ne savait pas nager.

Mère de 3 enfants (Amy, Alexandre et Aïden) vivant respectivement au Sénégal, en Suisse et en Grande-Bretagne, la surnommée princesse peule avait publié en 2007 "Dans ma chair", un livre* dans lequel elle racontait notamment sa malheureuse expérience dès le bas âge: excision à 9 ans... Contre l'excision donc, son combat et le nom de son association baptisée KPLCE : Katoucha Pour la Lutte Contre l'Excision. 
 
Katoucha avait particulièment illuminé de sa présence la cérémonie des Ngwomo** Africa, pour la remise des trophées aux meilleurs artistes musiciens du continent africain en 1996, au Congo-Kinshasa. Citer le seul nom de Katoucha voyait fuser de partout des hourras, des ovations, dignes de la princesse !  Kinshasa aime le beau et le Congo sait accueillir. Nous garderons d'elle le souvenir d'une top model généreuse, chaleureuse, abordable, simple.  

       Que ton âme repose en paix Katoucha !

*   Editions Michel Lafon.
** Ngwomo = tam-tam, tambour, en langues kikongo et apparentées, du Congo et d'Afrique centrale.
    Site web : www.katoucha-niane.com

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Article revisité, actualisé

Hommage à Camara Laye mort il y a 29 ans

L'écrivain-poète guinéen aurait eu 81 ans cette année

Né le 1è Janvier 1928 en Guinée, Camara Laye mourut le 04 février 1980 au Sénégal. Camara Laye fut un auteur célèbre, notamment pour son poème chanté A ma mère, et aussi son roman L’enfant noir, publié en 1953.

Quel vent donc nous portait en ce moment-là, quand nous dévorions ce livre et que son auteur mourait ? Le bon vent de nos passions les plus brûlantes, nos rêves les plus fous..., irréalisables ? Plutôt réalisables !

Camara Laye, repose en paix à Kouroussa, dans ta Guinée natale.

 

         

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Nelson Rohlihlala Mandela
11 février 1990 - 11 février 2008 : Mandela Madiba libéré il y a 19 ans

Le 11 février 1990, Nelson Mandela sortait de prison après 27 ans. Aussitôt libéré il effectua une tournée internationale pour sensibiliser à la cause anti-apartheid et en même temps récolter des fonds pour l’ANC son parti politique engagé à cette lutte. Le Congo en fut l'une des étapes, du temps où le pays s'appelait encore Zaïre. L'Afrique du Sud et la République démocratique du Congo restent deux pays avec quasiment les mêmes vibrations sociales, humaines, culturelles. (Hormis la guerre et l’apartheid.)


L’une des réussites politiques et humaines de Mandela fut d’avoir transformé en partenaires ou amis quelques-uns de ses ennemis, idéologiquement parlant. Ayant accédé aux plus hautes fonctions de l'Etat, de 1994 à 1999, à la suite des premières élections démocratiques, il nomma certains à des hautes charges. Et partagea-t-il ainsi le prix Nobel de la Paix (1993) avec Frederic De Klerck, dernier président du régime ségrégationniste, et désigné vice-président sous le régime de Mandela.

Au bout d'un mandat présidentiel de quatre années, il se résolut de ne pas se représenter.  Cet homme était d'ores et déjà entré vivant dans l’Histoire.  


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Grand Kallé disparaissait il y a 22 ans

Le 11 février 1982, disparaissait en Belgique Joseph Kabasele Tshamala, dit Grand Kallé, l'un des maîtres incontestés de la musique congolaise. Sa voix limpide fit le tour de l’Afrique et du monde grâce notamment à la chanson Indépendance Cha Cha, écrite par Roger Izeidi Monkoy, à l’occasion de l’accession du pays à la souveraineté internationale le 30 Juin 1960. L’œuvre devint vite un leitmotiv pour tout pays africain accédant cette période-là à son indépendance.
Chanson politique ou politicienne ? Non, plutôt oeuvre d'éducation sociopolitique.

Par ailleurs, Kalle Jeef ne cacha pas ses accointances avec les rythmes latinos. A telle enseigne que des musiciens Cubains, eux aussi maîtres en musique, lui vouent encore un culte. En effet, selon eux, "Grand Kallé est tout simplement incomparable".


A lui ainsi qu’à d'autres, l'association YO NA NGAI (Toi & Moi), rendit un bel hommage l'année écoulée lors d’une série de concerts " Coup de Projecteur sur le Congo ", dans quelques salles parisiennes intimistes (Olympic Café, Le Baiser Salé…).
Ce fut à la fois festif et éducatif.


                                                                                               
            
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Article revisité et complété un an après : en souvenir de mes 2 charmants petits blonds que je n'ai plus revus...       (Initialement publié dans la rubrique Ouï-dit-lu-su-vu-vécu)

Saint Valentin passe chez les mineurs de Neuilly-sur-Seine

Le 14 Février 2008, je me retrouvai à Neuilly-sur-Seine, là où sont traités les droits d'auteur à la sacem*. Dans le hall je fus reçu par un large sourire. Et d'autres sympathies. Etait-ce là Saint Valentin en personne qui opéra ses miracles ? Je ne jugeai pas. Juste de la courtoisie, les bonnes manières exigées par le poste. 

Etant sorti de la sacem, j'arrivai à l'esplanade de la station de métro Pont de Neuilly, ligne 1. Un garçonnet m'aborda. Il ne fut pas seul, mais avec son copain. Tout blonds, tous les deux. Et beaucoup de blondes et de blonds passaient aussi. Je fus le seul noir sur le lieu. Que pensèrent-ils de moi ? Que me voulurent-ils alors ? Je compris vite leur discours : la Saint Valentin. L'un avait 12 ans, l'autre 11 (aujourd'hui respectivement 13 et 12 ans, je l'espère pour eux). Voulurent-ils ma participation à leur cadeau de Saint Valentin !

Avant ce cadeau, je comptai bien leur poser une petite question : "Si leurs parents savaient qu'ils étaient là en train de..." On fut quand même à Neuilly-sur-Seine, le département des Hauts-de-Seine, le plus riche de France !  Ils me répondirent : " Non, fallait surtout pas qu'ils sachent !" Et moi je me retrouvai là dans un tel cas... Mais, l'envie de donner, de partager l'emporta.

Notre brève conversation tourna ensuite sur autre chose. L'un des gosses avait ses deux parents originaires de France, l'autre avait l'un des parents originaire d'Espagne. Ils me demandèrent d'où je venais, je leur dis de l'Afrique. Est-ce qu'ils connaissaient, avaient déjà entendu parler de ce continent ? Ils répondirent "Non, à l'école on nous avait juste appris un tout petit quelque chose ", déplora l'un d'entre eux. 

Aussitôt, comme un reflexe qui l'obligea à se rendre en Afrique sur-le-champ, le jeune écolier déçu s'accroupit, et il tenta de former tant bien que mal la carte de l'Afrique à même le sol, en m'indiquant sur un point ce pays du sud qu'il n'arriva pas à nommer et que l'instituteur eut vite fait de survoler dans son cours. Son doigt lui servit de crayon qu'il promena sans retenue sur le froid béton de la ville, comme son propre cahier de géographie en réalité.

Ainsi ce fut attendrissant, humain, ce double spectacle en un : " La Saint Valentin des enfants"  et " Les petits blonds à l'école de l'Afrique " !
Sans tirer les choses en longueur, j'accédai enfin à leur demande. Je leur tendis ma main avec ce que j'avais dans la poche.

Pour eux, la partie était gagnée. Ils commencèrent à trépigner d'impatience. La raison, ils furent attendus par leur...Valentine ! Ah ! Ah ! Ah ! Sainte Valentine, regarde-moi tout ça ! Mais je comprenais fort bien la situation, c'était dans l'ordre des choses : quelles que soient nos origines, l'amour est une dictature, et les amoureuses, les amoureux, de véritables opprimés. Un sentiment bien universel, pour tout public, et tout âge. Qui donc allait accuser ces garnements de saint-valentinisme !? 

A ce propos d'ailleurs, je me demandai si je ne fus pas le dernier à utiliser le néologisme. Juste pour savoir... Et je le demande à Ronsard le poète français qui disait : " Cueille dès aujourd'hui, et tous les jours les roses de la vie ! " 



* Sacem : société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique.

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                                                            Cette page est susceptible d'accueillir d'autres articles
                       
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Ecrivain franco-sénégalaise                                                                                                     

 Fatou Diome :"L'Europe a des leçons à recevoir de l'Afrique"

 La rentrée littéraire 2008 s'est faite aussi avec le nouveau livre de Fatou Diome : "Inassouvies, nos vies" paru  chez Flammarion. L'Europe face à la jeunesse et ses héros du troisième âge, l'Afrique face à son devenir et sa riche culture pour le respect des adultes, une écrivaine face à ses personnages, la philosophie, l'espionnage sociologique, la musique, et sa littérature préférée: autant de thèmes abordés avec l'auteure au cours d'un entretien à bâtons rompus. 


 Quel est votre état d'esprit quand vous écrivez et publiez un livre ?

Mon état d'esprit permanent est de m'interroger sur la vie: avant, maintenant, et toujours. Et aussi sur notre place dans la vie, sur le rapport aux autres, sur le temps qui passe...


Votre livre aborde plusieurs sujets. Comment procédez-vous pour écrire ? Déterminez-vous à l'avance votre thème, vos sujets, ou plutôt vous laissez-vous emporter par le courant de l'écriture ?

Avant d'écrire, je sais de quoi je vais traiter. Les thèmes qui me touchent sont déjà là, même le titre, et d'ailleurs je commence toujours par le titre. Le titre au pluriel s'explique par le fait que chacun a plusieurs vies, plusieurs traversées: la vie sociale, professionnelle... Et il nous manque à nous tous quelqu'un ou quelque chose dans la vie. Je ne parle pas d'insatisfaction mais de manque, malgré le sentiment de plénitude qu'on peut avoir.

Et vous, Fatou Diome, qu'est-ce qui vous manque ?

(Malgré un léger sourire.) Je ne vous le dirai jamais. Et vous, qu'est-ce qui vous manque ? Mais je peux dire ce qui manque aux personnages. Tous les personnages de mon livre ont des failles, soit économiques, soit familiales soit personnelles.


Betty, l'un des personnages-clés aime pratiquer le voyeurisme ...


Mais non, ce n'est pas du voyeurisme, c'est de l'espionnage sociologique ! Il faut observer pour pouvoir comprendre. De toutes façons, on ne peut pas ne pas voir les choses autour de nous: même quand on ne veut pas, on voit quand même ! D'ailleurs, c'est bien signalé là-dedans (le livre). J'ai d'abord observé et ensuite imaginé autour de moi. L'observation ne suffit pas, il faut la compléter par l'analyse et la réflexion. Si l'observation suffisait, ce ne serait plus romanesque.

Ces personnages sont-ils totalement imaginaires ou y a-t-il un peu de réel là-dedans ?

Je ne sais pas, c'est à vous de le trouver. Nos personnages se nourrissent un peu de notre vécu ; ce n'est pas une autobiographie. C'est une fiction sociale, mais quand même une fiction. Je ne suis pas Berry, sinon je serais dans des maisons d'asile.

On sent que l'auteur et le narrateur se prennent d'affection pour Betty... ?

Je ne sais même pas qui est le narrateur. Betty porte une attention particulière aux grandes personnes. Comme moi-même d'ailleurs. J'ai été élevée par mes grands-parents, et ça doit forcément jouer. Les personnes âgées, c'est un milieu que je connais bien. Je dois quand même reconnaître que j'aie vécu un mois dans une maison de retraite avec des personnes âgées et j'ai animé un atelier d'écriture pendant six mois. Non pas que j'ai transcrit leur vécu dans mon livre, parce que je n'ai pas le droit de raconter la vie des aînés que j'ai connus. Mais cela m'a inspiré dans ce roman. Et surtout ça m'a beaucoup touchée de les côtoyer.

Qu'est-ce qui vous a touchée ?

Les maisons de retraite ! Je trouve ça terrible comme solution ! L'Europe ne peut-elle pas trouver une autre manière pour gérer ce problème ? Même si on ne trouve pas de solutions, poser au moins le problème ! Car des gens du troisième âge, il va y en avoir de plus en plus ici en Europe. L'Afrique a des leçons à donner à l'Europe sur ce plan-là: la tendresse et le respect, malgré notre pauvreté. C'est bien de dénoncer les choses en Afrique, mais c'est aussi bien de regarder la vraie Afrique et de s'en inspirer. C'est ça le vrai dialogue des cultures ! Et pour cela, l'Europe devrait aller à l'école de l'Afrique.
J'ai écrit ce livre non pas pour culpabiliser qui que ce soit, mais pour l'humanité que j'ai vue dans les maisons de retraite et pour qu'on s'y intéresse. A cet âge-là, ces gens ont beaucoup à nous apprendre de la vie. Ce n'est pas éthique. Bien qu'il y ait des papys et des mamies indignes. Dans ma subjectivité à moi, c'est une situation que je n'arrive pas à supporter, j'ai toujours des objections, à chaque fois !

N'est-ce pas là un conflit de génération entre, d'une part, la jeunesse de Betty et de l'autre Félicité dont l'âge est très avancé ?

Mais non, ce n'est pas un conflit de génération. C'est plutôt une passerelle entre Betty et Félicité: les deux se battent, pour survivre, contre les difficultés de la vie. Elles ont quelque chose à échanger. Il faut casser ce mur entre les générations. La jeunesse occidentale se barricade derrière une sorte de jeunisme... ! Ce n'est pas l'âge qui compte, c'est l'humain !

Il y a de la philosophie dans votre roman...
J'ai fait des études de lettres, et j'ai voulu faire de la philosophie. Je suis une lectrice passionnée de philosophie. C'est quoi, vivre, ce mot qu'on répète sans cesse ? Les liens, les ruptures, la perte de l'autre, les amitiés, les amours, tout ça, c'est inassouvi ! Il faut survivre, même quand on a perdu un être cher, Entre le vide et le plein, il y a nous. Entre les lettres "V" et "E" du mot Vie, il y a le "I" de l'inassouvi.

Quels sont vos auteurs favoris ou ceux qui vous influencent ?

Stieg Dagerman qui a dit: "Notre besoin de consolation est impossible à rassasier. C'est dans un livre de 22 pages. C'est un de mes maîtres. Et je viens de lire "L'Enfant Brûlé" de Marguerite Yourcenar. Avec elle, c'est une leçon d'écriture à chaque fois. J'ai eu aussi des maîtres dans la Négritude: Senghor, Césaire : ils avaient une littérature qui devait servir à nous offrir cette liberté. John Steinbeck avec "Les Raisins de la colère" Hemingway pour le dépouillement de son écriture. Quand j'ai lu "Le Vieil Homme et la Mer, j'ai compris ce qu'est la lutte pour nourrir sa famille. Il y a aussi Mariama Bâ et Sembène Ousmane, notre Emile Zola. Il y en a plein d'autres, et ça me fait de la peine de ne pouvoir citer ici que quelques-uns d'entre eux. J'aime les auteurs qui combattent à leur manière pour l'humain.

Vos débuts ou vos motivations en écriture, à quoi les ramenez-vous ?

J'écris par impuissance de changer les choses, d'être en face de réalités que je ne peux changer. Mais en tant qu'humain, j'ai le pouvoir de dire ce que je n'accepte pas. Se taire, c'est être complice.

Les pages où il est question de l'Afrique forment une rupture de ton avec le reste du roman, plutôt poétique. Comment l'expliquer ?

Ça me fait mal, voilà pourquoi je dénonce, et je l'ai écrit de cette manière. Je n'ai pas voulu parler beaucoup de l'Afrique, mais que le peu se détache et soit mis en exergue dans le texte. J'en ai marre du tourisme intelligent, marre de l'aide humanitaire, car dans nos villages, on n'attend pas cette aide pour pouvoir manger. Il faudrait un vrai plan Marshall pour l'Afrique si l'on veut la sortir de la crise. Le goutte à goutte, ça suffit! Et il faut que l'Afrique se mette à l'ère de la compétence, qu'il y ait des talents pour s'en sortir. Ce n'est pas aux autres, mais à nous-mêmes de le dire aussi: assez de magouilles, assez d'élections truquées... Il nous faut un vrai panafricanisme, un vrai lien, une vraie coopération, nous tenir par la main.

Vos deux premières publications "Préférence nationale" et "Le Ventre de l'Atlantique " étaient-elles autobiographiques ?

Oui.

Vous retournez au Sénégal ?

Oui, deux à trois fois dans l'année.

C'est Strasbourg qui est la scène de votre roman. Votre vie aussi ?

J'aime dépeindre les endroits que je connais bien. Dans la sincérité de la maturation, j'aime me fier à mes émotions. Et puis Strasbourg est une ville que j'aime, c'est mon autre chez moi. Comme j'y paie des impôts depuis 14 ans, elle fait partie de moi et inversement.

La poésie, la musique aussi vous habitent ?

Je ne peux pas écrire sans écouter de la musique. Certaines répétitions ou allitérations dans les textes, sont fonction de la musique que j'écoutais, comme des refrains.

Mais pourquoi de la musique quand on écrit ?

Musiques sans paroles, il s'agit de m'imbiber du rythme et d'y donner un langage. Trouver l'humeur, le thème, les sensations qui vont bien avec le livre. Keith Jarrett, par exemple, qui fait de l'improvisation musicale, correspond au thème de Betty qui improvise dans la vie, qui cherche au jour le jour. Quant à Félicité, la lourdeur de sa vie c'est comme une musique profonde. Le Kora, c'est une manière de respecter et de mettre en évidence cet instrument, de rendre hommage aux artistes qui m'accompagnent dans cette démarche.
Certains me l'ont dit, ils ont acheté les CDs en lisant mon livre. C'est une richesse à partager. Je voudrais que mes amies connaissent cette musique car moi, je connais les Mozart... Senghor avait dit qu'"au rendez-vous du donner et du recevoir, les continents ne viennent pas les mains vides"! C'est une façon de s'approprier les choses. N'importe qui peut écouter cette musique et y déposer ses émotions.


Propos recueillis
par Firmin Luemba


 

LECTURE DE LA LETTRE DE PAUL AUX HEBREUX

 Hébreux 9 : 24 - 28

 

Le Christ n’est pas entré dans un sanctuaire construit par les hommes, qui ne peut être qu’une copie du sanctuaire véritable ; il est entré dans le ciel même, afin de se tenir maintenant pour nous devant la face de Dieu. Il n’a pas à recommencer plusieurs fois son sacrifice, comme le grand prêtre qui, tous les ans, entrait dans le sanctuaire en offrant un sang qui n’était pas le sien ; car alors, le Christ aurait dû plusieurs fois souffrir la passion depuis le commencement du monde. Mais c’est une fois pour toutes, au temps de l’accomplissement, qu’il s’est manifesté pour détruire par son sacrifice. Et, comme le sort des hommes est de mourir une seule fois, puis de comparaître pour le jugement, ainsi le Christ, après s’être offert une seule fois pour enlever les péchés de la multitude, apparaîtra une seconde fois, non plus à cause du péché, mais pour le salut de ceux qui l’attendent.
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