Le Vieux Wendo Essor et nous ?

Publié le par Firmin Luemba

L’artiste musicien Wendo Kolosoy est décédé lundi à Kinshasa à l’âge de 83 ans

Kinshasa, 29/07/2008 / Musique

 

 

Donné plusieurs fois pour mort sans l’être réellement, Wendo Kolosoy est finalement décédé lundi à la Clinique Ngaliema à Kinshasa. L’artiste musicien Wendo Kolosoy a rendu l’âme lundi sous le coup de 18 heures 30 à la Clinique Ngaliema où il était interné pour des soins, à l’âge de 83 ans, après 63 ans de carrière, ont annoncé plusieurs journaux parus lundi à Kinshasa.

C’est dans la morgue de cette même institution médicale que sa dépouille mortelle est conservée en attendant  le programme officiel de ses funérailles qui sera connu dans les prochaines heures.

Les Kinois ont accueilli cette information dans une très grande consternation. Cependant certains d’entre eux continuent encore à en douter dans la mesure où ce n’est pas la première fois que celui qu’on appelait le patriarche de la musique congolaise est donné pour mort.

Ce musicien qui a passé beaucoup de temps d’éclipse (au moins 20 ans et même plus) a été “ ressuscité ” à la faveur d’une chanson patriotique collective composée en 1998 dénonçant l’agression injuste dont la Rdc était victime de la part de ses voisins et dans laquelle il a été associé.

Son intervention dans cette oeuvre rappelle les premiers moments de la musique congolaise moderne avec des chansons anthologiques comme “ Marie Louise ” (Marie Loyisa) écrit en  1948 et joué avec son ami le guitariste Henri Bowane.

Ce qui lui a valu des éloges non seulement des jeunes qui ont pu le découvrir, mais aussi des mélomanes de vieilles générations dont M’zee Kabila qui lui a gratifié en lui octroyant une jeep.

 Héros, Wendo Kolosoy meurt presque le micro dans la bouche puisque n’eut été la maladie qui l’a terrassée et qui vient de l’emporter, il n’allait pas abandonner la scène, notamment celui du Centre Wallonie-Bruxelles qui l’a plusieurs fois honoré surtout ces dernières années par des concerts.

En dépit du poids de l’âge, il savait émerveiller le public qui en sortait toujours satisfait. Wendo Kolosoy connaissait lui-même le secret de son succès car il n’est pas du tout facile de convaincre à la fois les responsables de ce haut lieu de la culture et aussi le public qui y prend rendez-vous. Mais hélas il emporte dans sa tombe ce secret. Seuls peut-être les jeunes qui l’ont plusieurs fois côtoyé ont su profiter de son expérience et de sa sagesse.

Wendo était aussi dans les grands rendez-vous des musiciens. A titre  d’exemple, il y a un an, alors que des rumeurs circulaient sur sa mort, on l’a aperçu même s’il était très affaibli et soutenu par un individu, aux obsèques de Madilu qu’il affectionnait tant parmi les autres artistes musiciens à qui il ne cessait de prodiguer des conseils.

Par ailleurs, il y a trois ans, il était même question qu’il entreprenne une tournée aux Usa, mais la détérioration de sa santé ne lui a pas permis.

Wendo Kolosoy, 62 ans de carrière musicale

 Antoine Wendo Kolosoy, ce nom demeuré un refrain, un nom indélébilement gravé dans les annales de l’histoire de la musique congolaise moderne. Au mois de novembre 98, le ministère de la Culture et des Arts s’apprêtait à fêter les 52 ans de sa carrière musicale. En février 98, il a participé au Marché des Arts et Spectacles Africain, Masa, et deux mois après, pendant la pentecôte, il s’est produit, grâce à Monsieur Christian Mousset, au Festival des musiques métisses, dit festival d’Angoulême en France. Wendo et ses 4 musiciens, Albert Emima, Vula Missy, Bikunda Nzoku et Ngaila Bikunda, se sont produits en Belgique et en France. Depuis, il est en tournée. Dernièrement, il est tombé malade au cours d’une prestation au Musée d’Afrique Centrale de Tervuren en Belgique, où il se produisait avec l’autre monument vivant et patrimoine culturel Rochereau Tabu Ley.

Naissance et début en musique

Né en 1925, dans le Mai Ndombe au Bandundu. Antoine Wendo vient de totaliser 80 ans d’âge et 62 ans de carrière musicale (1943-2005). En effet, Wendo a caressé le rêve de devenir une grande célébrité musicale dès sa tendre jeunesse. Ce rêve deviendra réalité lorsqu’il devint membre de l’écurie Opika, puis Ngoma, des maisons d’édition des disques phonographiques créées à Léopoldville, dans les années 40 par des commerçants grecs.

 Talentueux, Antoine Wendo n’avait pas attendu longtemps pour être propulsé au sommet de la gloire. Il gagnera des prix lors des concours dans la rue pour l’interprétation correcte des chansons populaires. C’est ce qui lui valut la carrure de musicien. Ses deux premiers pseudonymes furent “ Wendo alanga nzembo ” et “ Wendo mokonzi ya nzembo ”. Ces pseudonymes résument sa carrière et son idylle.

A 18 ans, Wendo orphelin de mère embrassa la carrière musicale, toujours avec sa guitare sèche et sa voix limpide, qui étaient ses seuls atouts. A ce moment où il se lançait dans cette aventure, il n’avait aucun passé de référence. L’interprète des chansons populaires d’abord, puis des chansons rumba et quelques leçons pratiques sous l’œil vigilant des responsables des studios Opika et Ngoma.

 Ce fut l’éclosion des talents et la conquête des mélomanes de l’après-guerre, de l’un des doyens de la musique congolaise moderne, en raison de son œuvre qui résiste aux épreuves du temps et en face de nouvelles créations toujours en quête de succès.

Wendo, bien que guitariste soliste, n’a pas attaché beaucoup d’importance à son instrument. Il a bâti sa gloire dans le domaine de la composition des chansons. C’est un talentueux parolier. Son imagination fertile, sa poésie imagée et sa voix ont fait de lui l’un des premiers parmi les créateurs des chansons modernes de notre pays, avec une immense œuvre intarissable, accomplie en cinq décennies.

Œuvres et talents du chanteurs

 Durant 62 ans, Wendo a réalisé de nombreuses œuvres musicales. Il incarne toute une période de l’histoire musicale congolaise, si pas de l’Afrique noire. Grâce à ses nombreuses chansons, il a plané sur tous les univers de la vie musicale du pays : l’aisance, les amours, les réussites, les maladies, les déboires, la mort, etc.

Les œuvres de Wendo sont généralement reposantes et se dansent du cœur et des pieds; à travers lesquelles Wendo prêche la morale en prodiguant de sages conseils à ses contemporains. Son message est captivant, car sa chanson se veut être une histoire, une description, une peinture, un tableau, une scène de la vie sociale et se termine par des conseils et des conclusions éducatifs. Il a toujours un souci permanent de l’ordre, de la justice et de la moralisation.

Un style propre qui apostrophe. Une poésie qui engage. Des mélodies douces et même mélancoliques. Wendo critique aussi les tares de la société. Il décrit, se révolte et finit par chercher des solutions et exalte les bonnes manières.

En 1943, imitant Paul Kamba, Me Taureau Bateko crée avec Wendo, Bongeli, Bape et Tango, l’orchestre Vastoria Kin qui s’appuie sur le groupe de jeunes filles dénommé “ La reine politesse ”, dirigé par Germaine Ngongolo, grande danseuse.

Grâce aux haut-parleurs de la radio Congolia, Wendo est découvert en 1946. En 1949, Wendo chante “Marie-Louise”, œuvre de Bowane, qui est à la guitare chez Ngoma. Cette œuvre est le plus grand tube de l’histoire de l’édition musicale naissante.

Cette chanson bénéficie d’une publicité involontaire de la part du clergé. Marie-Louise, concubine de Bowane, décédée entre-temps, réapparaît, dit-on, dans les bars de Léopoldville. Au cours d’un prêche, un curé déclare que la chanson “Marie-Louise” est satanique, il faut la bannir. Les fidèles doivent la censurer. Les autorités belges altérées par cette rumeur tente d’arrêter Wendo qui s’enfuit à Stanleyville.

Effet boomerang, les fidèles l’adoptent. Avec “Marie-Louise”, Wendo se présente, dès lors, comme le porte-flambeau de la musique congolaise. Son premier disque s’appelle “Mabele ya mama”, dédié à sa mère décédée peu de temps avant. Il devint pour le grand public, le Duc de Windsor, et par déformation “ Wendo Sor ”.

En 1955, Bukasa, D’Oliveira et Wendo, acteurs professionnels de la musique congolaise, se groupent et montent l’orchestre “Trio Bow”.

Cette formation constitue un ensemble de trouveurs et inventeurs de la chanson savante, dont l’œuvre forme dans son immensité un tout représentatif d’un génie national, qui synthétise sans effort les tendances de son temps en lui imprimant la marque d’une personnalité multiforme.

Appartenant chacun à un groupe, les trois chanteurs-guitaristes se retrouvaient en concert ou en studio pour exécuter à l’unisson des mélodies dont le rythme épousait étroitement les accents de la rumba pure.

Leurs œuvres célèbres furent “Sango ya bana Ngoma”, “Victoria apiki dalapo”, “Bibi wangu Madeleine”, “Yoka biso ban’Angola”, “Landa bango”, leur talent contribua au développement et au prestige de la firme Ngoma.

Patriote et musicien de l’unité

Ancien batelier de l’Otraco, l’actuel Onatra, et de la Compagnie mbila, huilerie Heb, Wendo parcourait constamment le pays en bateau. Il interprétait les chansons de toutes les aires culturelles du pays. Dans son œuvre, il chantait en langue kundo, sa langue maternelle, en lingala et en swahili.
Il sélectionnait avec son imagination et ses connaissances, des éléments hétérogènes d’origines culturelles diverses pour ses chansons, de véritables échos musicaux de toutes les traditions.

Wendo est un animateur vivant des podiums et des scènes musicaux. Il fait toujours danser les autres. Ce producteur de culture musicale compte plus d’une centaine de titres composés entre 1943 et 1960, 1968 et 1969, dans African Fiesta de Rochereau Tabu Ley, qui l’a le premier ressuscité après l’indépendance, puis entre 1999 et 2005.

Sa musique a servi toutes les générations de compositeurs congolais. Elle a inspiré bon nombre de jeunes musiciens du pays. Cela est d’autant plus vrai qu’entre 1947 et 1957, plusieurs pays africains n’avaient ni orchestres modernes, ni maisons de disque, ni de marchés de disque développés. Toute l’Afrique centrale a vécu sous l’emprise des orchestres et des éditions musicales congolaises installées à Léopoldville.

Les disques des musiciens congolais étaient distribués dans tous les pays d’Afrique de l’Ouest et du centre, et étaient recherchés par les admirateurs africains.

D’ailleurs, l’homme de culture Gilles Salla parlait souvent dans ses émissions sur la radio Africa n°1 de l’antériorité de la culture musicale congolaise, qui a eu des échos favorables en dehors de nos frontières.

L’Afrique noire s’est reconnue à travers l’immense œuvre musicale d’Antoine Wendo. Avec son esprit lucide, une fidélité à la culture nationale jamais remise en cause, un don enrichi par une carrière d’artiste toujours exigeant. Wendo reste l’incarnation d’une histoire musicale riche et pleine des promesses.

Nos grands succès d’aujourd’hui, constituent une preuve tangible de grandes victoires de l’époque des patriarches et pionniers de la musique congolaise moderne qui sont : Antoine Bukasa, Manuel D’Oliveira, Desaio Manoka, Adou Elenga, Kasongo, Paul Kamba, Antoine Mundanda, Wendo Antoine, Jean Lompongo, Georges Dula, Yamba Yamba, Bosele, etc., sont en droit de s’enorgueillir.

Le passé et l’avenir se rejoignent

Aujourd’hui, Wendo est le plus vieux musicien congolais, qui a du succès, un succès foudroyant. A l’origine de son brusque succès, sa double participation dans “ Mwana mpwo ”, dit “ Franc Congolais ” et la chanson “ Tokufa po na Congo ”, qui n’excède même pas cinq minutes. Wendo a usé de tout son talent de chanteur pour prouver aux mélomanes et se prouver à lui-même qu’il n’est pas encore fini. En tant que mouvement vivant et symbole d’une époque de notre musique, sa volonté exprimée de servir la nation par les chansons précitées et les efforts fournis ont mérité une sincère reconnaissance populaire.

Grâce au Masa et au producteur Christian Mousset, Wendo a encore enregistré, d’abord la chanson “ Tokutani ”, qui signifie “ nous nous sommes rencontrés ”, avec la doyenne de la chanson camerounaise Madame Anne-Marie Nzié, la voix d’or de Yaoundé que récrée son magnifique Cd, qui célèbre le “ Jubilé d’Or ” de Wendo. La thématique de cet album brasse toutes les alluvions de la mémoire.

Le regard de Wendo porte sur la société, comme un miroir, reflétant ces vérités qui prennent encore plus de poids à la lumière des respects ancestraux : l’ancien, la femme, l’enfant et la famille.

Le Potentiel/MMC

 

Notre témoignage:

Le connaissant très souffrant, nous avions rendu un vibrant hommage à Antoine Wendo Kalosoy en mars dernier à Radio Nova (Paris), à travers son dernier disque. Celui que l'on surnomma "Wendo Essor" parce qu'il dansait de manière si agile, tel un ressort, avait un jour dit en ma direction, alors que je l'appelai comme tout le monde, "Kolosoy". Non, déclara-t-il, je ne suis pas Kolosoy, moi je m'appelle Kalosoy !

C'était l'une de nombreuses fois où il m'accorda des interviews, parfois à bâtons rompus, et jusque chez lui, dans cette maison de la commune de Barumbu qui avait vu ressusciter sa carrière en 1997-98. Feu le président Laurent-Désiré Kabila venait de prendre le pouvoir.
Sous la houlette du musicien-arrangeur Zola Tempo, quasiment tous les artistes alors les plus en vue de la République démocratique du Congo s'étaient retrouvés pour chanter au profit du Franc Congolais, la nouvelle monnaie instaurée par le régime.

Si cette chanson restera un morceau d'anthologie, le couplet rendu par le Vieux et alerte Kalosoy fut remarquable de créativité et d'humour. Pas étonnant que le public, même jeune, l'adopta si vite. Et sa carrière lontemps arrêtée redémarra comme par enchantement. Sur le plan international, Wendo enchaîna concerts, festivals, tournées, enregistrements studio. 

Plusieurs mois avant son retour sous les feux de la rampe, cependant, je me souviens encore d'un autre épisode. Alors que je fus journaliste spécialisé en musique dans le journal Forum des As en 1997, mon directeur de publication - aujourd'hui en Suisse - me confia la mission d'aller interviewer quelqu'un que le monde musical ou le monde tout cout avait perdu de vue depuis une trentaine d'années : Papa Wendo Kalosoy!
 
Je serai devenu pour lui le premier journaliste pour la renaissance de sa carrière. J'ignorai alors que c'était là une occasion pour nous deux de socialiser, de fraterniser. Il en connaîtra d'autres au Congo, en Afrique et dans le monde.

Qu'il repose en paix !

  


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